Ce fut l'occasion d'une cérémonie particulièrement émouvante.



Les militants de l'UEJF racontent leur voyage de la mémoire qu'ils ont effectué en 2009 en Pologne et en Ukraine. Sur les traces de la Shoah et de la 'Shoah par balles', nous avons décider de raconter, chacun, ce que nous avons appris, ce que nous avons ressenti et ce que nous n'oublierons pas.
Dès notre arrivée à Varsovie, dans le car qui nous menait à Belzec, j’ai pris une carte routière de la Pologne avec Benjamin Orenstein pour qu’il me montre son village natal car, lors de notre précédent voyage, nous avions évoqué la possibilité d’aller le visiter. Mais il y a trois ans, ça n’était pas le moment pour lui. Benjamin Orenstein m’a montré un certain nombre de lieux sur la carte en me disant qu’il fallait que je me souvienne de ces noms, Budzin, Rachow, autant de camps où il était passé.
Nous étions un certain nombre à avoir le désir peut être un peu égoïste d’aller avec Benjamin Orenstein dans son village natal pour qu’il nous montre les traces de son enfance. Ce qui représentait un témoignage indispensable à notre compréhension de la vie culturelle juive était certainement une épreuve difficile pour lui.
A notre arrivée à Annopol, un étang et une pompe à eau ont été les éléments auxquels Benjamin Orenstein s’est rattaché pour tenter de reconnaître une ville aujourd’hui disparue. Avant ce voyage il m’était difficile de comprendre ce qu’était un village juif, un shtetl car en diaspora il n’existe plus de ville véritablement juive. Cette visite et les explications sur place ont permis de comprendre l’importance et la richesse de la vie juive d’avant-guerre. Mais cette ville n’est pas Annopol, ce village dont la population était à 80% juive comme la quasi totalité des échoppes de la place du marché. Comment imaginer qu’on entendait parler yiddish dans ces rues il y a 70 ans ?
Nous savions que nous ne retrouverions rien de cela, mais malgré notre préparation, ce constat a été cruel. Il ne restait rien sauf deux tombes dans le vieux cimetière juif et un petit bâtiment autrefois succursale de la très célèbre yeshiva de Lublin transformée en menuiserie. Ce bâtiment de style typiquement juif a assisté à la disparition tragique de l’identité et de l’histoire de cette ville lors de l’extermination de ses habitants. Seul témoin pour l’histoire qu’autrefois, dans ce village vivaient les juifs.
Michael
Benjamin, originaire de Annopol qui nous a accompagné pendant le voyage.
Cela fait maintenant un mois que nous sommes rentrés, un mois pendant lequel j’ai essayé de mettre des mots sur mes sentiments et mes ressentiments.
Je l’ai fait un jour après notre retour, mais quand je relis mes écrits je vois des mots durs et lourds, reflétant sans doute l’état de mon être en rentrant.
Aujourd’hui après un retour plus que difficile à la réalité, mes mots sont différents et sans doutes beaucoup plus posés.
Un des moments qui m’a le plus marqué est sans doute la première journée…
Premières rencontres : Nos sommes un groupe de 28 personnes qui le jeudi 23 avril
Premières interrogations : à notre arrivée en Pologne une question nous a été posée, qu’attendez-vous de ce voyage ? J’attendais d’apprendre, de connaitre à travers de multiples témoignages ce qu’avait été la « Shoah par balles ». J’attendais aussi de voir quelles seraient mes réactions, au fur et à mesure des rencontres et des visites de ces lieux. J’avais très peur, presque honte, de ne pas en avoir.
Première étape Belzec, camps d’extermination ou de mars à décembre 1942, 400 000 juifs ont été exterminés.
Hanna Guenancia
Je sais que raconter est important pour transmettre, je sais qu'ils m'écoutent, je sais qu'ils me comprennent, mais je sais aussi qu'ils ne ressentent pas.
Il m'est impossible de leur transmettre l'émotion que j'ai ressentie en me rendant sur les lieux.
Impossible de leur faire sentir l'oppression que m'imposait l'immense mémorial de Belzec.
Impossible de leur communiquer la colère qui montait en moi à Lisinitchi et Rawa Ruska.
Impossible d'expliquer mes larmes en voyant un homme, Benjamin Orenstein, dont les souvenirs sont intacts, entrant dans Annopol, son village natal, et happant, cherchant en vain, à les faire revivre.
Impossible d'expliquer pourquoi c'est à ce moment là que j'ai réalisé qu'en Pologne, un peuple, notre peuple, avait réellement été anéanti.
Impossible d'argumenter sur le bien que ça fait de prononcer un Kadich, puis rendre hommage avec des mots, avec des chants, avec le silence.
Impossible de leur prouver l'immense satisfaction de se sentir utile après avoir posé une plaque en guise de mémorial sur les lieux de Busk.
Impossible de leur faire comprendre que lire, s'informer, écouter et même voir, ça ne suffit pas, qu'il y a quelque chose au delà, bien que très abstrait, et qu'on ne peut atteindre qu'en s'y rendant : c'est ressentir. Et c'est ainsi qu'on aura pleinement rempli son devoir de mémoire."