Besoin d’écrire et de raconter, oui c’est sûr, mais quand les gens me questionnent sur ce voyage, ma première réaction est de penser que je ne saurais pas comment m’y prendre. En effet, ils n’ont pas vu ces fosses, ou plutôt ces paysages paisibles, tranquilles, où des milliers de juifs ont été humiliés et fusillés.
Ils n’ont pas vu l’émotion de Benjamin, le rescapé qui nous accompagnait, lorsque l’on se recueillait devant l’inscription « annopol » à Belzec, qui désigne son village natal. Ils n’ont pas entendu les changements, les tremblements dans sa voix au micro, dans le car, au fur et à mesure que les panneaux routiers indiquent que l’on se rapproche justement de ce village où il n’est jamais retourné. Ils n’ont pas entendu ses excuses d’avoir « craqué » en voyant le simulacre de mémorial déposé à l’endroit de la fusillade où ses frères ont été tués.
Et lui de dire : « les habitants ont tous dit que la terre a tremblé pendant les deux jours suivant cette fusillade ». Non, ils n’ont pas entendu les témoignages de ce couple d’ukrainiens, et l’homme qui raconte comment des hommes, femmes et enfants arrivaient en camions devant sa ferme, obligés par les cris des soldats allemands et de leur chiens, de se déshabiller et de se diriger vers la fusillade…
Voilà, la nausée me reprend, je somatise, c’est ce que m’inspirent ces récits, j’imagine ce petit garçon qui ne comprend pas mais qui voit ces femmes et enfants pleurer et crier en attendant leur mort et s’interroger sur leurs torts, qui voit son camarade de classe se faire tuer, qui voit les plus jolies jeunes filles sélectionnées et être emmenées dans la forêt un peu plus loin, a l’abri des regards… Et là, je me dis non, non, non, je ne peux imaginer même le centième de ce qui s’est passé, je ne pourrais jamais ressentir ce qu’ils ont tous ressenti, les victimes, comme les témoins…
Durant ce voyage, j’ai compris que la transmission était importante. Je prends conscience que notre rôle, au delà de constater des faits, est également d’honorer ces morts, symboliquement en posant des plaques commémoratives mais aussi en essayant de faire connaître cet épisode de l’Histoire, en partageant cette expérience.
Et donc, aidée des photos, je raconte quelques uns de ces moments… Comme cette forêt de Lysynytchi, endroit d’un calme vertigineux, avec pour seul son le chant apaisant des oiseaux, et là, sous nos pieds, 80 à 100 000 juifs fusillés !!!
A Borové, on se demande comment 1500 juifs sont enterrés sous cet espace minuscule, « la profondeur » répond Patrick, membre de l’équipe du père Desbois - « La profondeur ».
Ce voyage m’a procuré un panel de divers sentiments… Une nausée tenace pendant la visite des fosses, une émotion me submergeant après la cérémonie à Busk, un sentiment de fierté en nous voyant tous réunis autour de Benjamin, apprenant des chansons en yiddish, mais également du ressentiment…
Une sorte de colère et de tristesse m’envahissent durant la promenade dans l’ancien quartier juif de Lvov, ville Ukrainienne, où l’on peut encore voir les traces d’une vie juive passée. Et je pense alors que les nazis ont réussi tout de même à annihiler la culture juive, plus personne ne parle yiddish en Pologne ou en Ukraine.
dimanche 7 juin 2009
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