Je sais que raconter est important pour transmettre, je sais qu'ils m'écoutent, je sais qu'ils me comprennent, mais je sais aussi qu'ils ne ressentent pas.
Il m'est impossible de leur transmettre l'émotion que j'ai ressentie en me rendant sur les lieux.
Impossible de leur faire sentir l'oppression que m'imposait l'immense mémorial de Belzec.
Impossible de leur communiquer la colère qui montait en moi à Lisinitchi et Rawa Ruska.
Impossible d'expliquer mes larmes en voyant un homme, Benjamin Orenstein, dont les souvenirs sont intacts, entrant dans Annopol, son village natal, et happant, cherchant en vain, à les faire revivre.
Impossible d'expliquer pourquoi c'est à ce moment là que j'ai réalisé qu'en Pologne, un peuple, notre peuple, avait réellement été anéanti.
Impossible d'argumenter sur le bien que ça fait de prononcer un Kadich, puis rendre hommage avec des mots, avec des chants, avec le silence.
Impossible de leur prouver l'immense satisfaction de se sentir utile après avoir posé une plaque en guise de mémorial sur les lieux de Busk.
Impossible de leur faire comprendre que lire, s'informer, écouter et même voir, ça ne suffit pas, qu'il y a quelque chose au delà, bien que très abstrait, et qu'on ne peut atteindre qu'en s'y rendant : c'est ressentir. Et c'est ainsi qu'on aura pleinement rempli son devoir de mémoire."
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